

La Révolution brabançonne

Lumière sur un despote éclairé
Joseph II devient empereur d’Autriche à la mort de sa mère, l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche. Joseph II est fort marqué par la philosophie des Lumières du XVIIIème siècle. Celle-ci repose avant tout sur l’Homme et la Raison. Pour Joseph II, « l’État signifie le plus grand bien pour le plus grand nombre ». Il est de ce fait opposé aux privilèges hérités du Moyen-Âge, qui ne s’appliquent qu’à une petite partie de la population. Il récuse également la primauté de l’Église sur le pouvoir temporel. Dans son héritage, il reçoit les Pays-Bas méridionaux (territoire couvrant à peu près l’actuelle Belgique). Contrairement à sa mère qui respecta relativement les privilèges de la région en réformant en douceur les institutions (le compromis thérésien), Joseph II se lance dans une optique réformatrice et modernisatrice trop directe des provinces après avoir visité les Pays-Bas, entre le 31 mai et le 27 juillet 1780. Les ragots de village disent même qu’une fille serait née à Emptinne, neuf mois après sa visite…
Les débuts de la politique joséphiste sont timides. Il place les ordres monastiques en totale indépendance, promulgue l’Édit de tolérance le 12 novembre 1781 pour les Chrétiens, et un peu plus tard pour les Juifs. Il supprime ensuite les ordres contemplatifs (le 17 mars 1783) et les revenus des institutions disparues servent à financer les activités caritatives, écoles et hôpitaux. Les réactions restent assez faibles, exceptées chez d’anciens jésuites réfugiés à Liège. Toutefois, durant l’année 1786, les réformes s’accélèrent. Des loges maçonniques sont créées, les sermons sont soumis à la censure, le divorce est reconnu, la date des kermesses est fixée pour l’ensemble de la région, les confréries religieuses sont centralisées et le dénombrement des biens ecclésiastiques est ordonné. L’évènement qui va déclencher le plus de protestations est la suppression des séminaires diocésains, remplacés par le Grand Séminaire de Louvain et du Luxembourg le 16 octobre 1786. Les évêques doivent prêter un serment civil dans lequel ils jurent fidélité à l’État (ce qui rappelle le serment des évêques du Saint-Empire à Otton I). Ces diverses réformes religieuses n’ont pas pour terreau un caprice anticlérical mais une volonté de contrôler l’Église, ayant une grande influence sur la population. Grâce à cela, Joseph II renforce son pouvoir et devient un véritable « despote éclairé ».
L’empereur intervient aussi dans la vie économique en supprimant les corvées, en règlementant les corporations de métier, le commerce et en imposant la libre circulation des grains (base de l’alimentation de l’époque). Cette mesure est inopinée car chaque état tente de contrôler la circulation des denrées alimentaires par peur de la famine. Or à cette période une mauvaise récolte vient s’additionner à une légère dépression économique, peu de céréales sont moissonnées et le prix des exportations est élevé. Il en résulte donc des problèmes d’approvisionnement, et par conséquent un mécontentement général grandissant.
Dans le domaine administratif et judiciaire, Joseph II bouleverse les structures classiques : il supprime les trois Conseils collatéraux et les remplace par le Conseil de gouvernement général. Il redécoupe les provinces en « cercles » et place des tribunaux de première instance dans chacun de ceux-ci (une soixantaine). À la tête de ces circonscriptions sont placés des intendants, tout comme ils le furent sous le régime anjouin et sous Charles VI. Il crée deux cours d’appel situées à Bruxelles et au Luxembourg, ainsi qu’un conseil souverain de justice, lui aussi placé à Bruxelles. Les anciens tribunaux sont pour leur part supprimés. Un code civil est rédigé par Von Martini (ce code n’est en réalité qu’une traduction du code appliqué en Lombardie). Par ailleurs, un Règlement de la procédure civile et un Règlement pour la procédure criminelle sont eux aussi créés et mis en application. De surcroît, l’Allemand est imposé comme langue officielle. Dans la pratique, la langue de Goethe n’est utilisée que pour la correspondance extérieure aux Pays-Bas, les correspondances intérieures se faisant toujours en Français ou en Thiois, ancêtre du Flamand.

L'empereur Joseph II peint par Georg Decker, peintre autrichien.

Marie-Thérèse d'Autriche en 1759, représentée avec le sceptre et la Couronne de saint Étienne par Martin van Meytens, peintre suédois.